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Eliane Defrance 

Le chemin 

J’ai un parcours de vie pas facile. Je suis l’aînée d’une famille de sept enfants. Ma mère attendait le septième enfant, j’avais vingt ans et elle m’a demandé de quitter la maison. J’ai eu la chance quand même de me marier avec quelqu’un de généreux, de compréhensif, de loyal. Donc, mon chemin de vie, j’ai l’ai construit à partir de ça. Je pense que, si je n’avais pas été contrainte au mariage comme je l’ai été, j’aurais essayé d’aller dans une organisation humanitaire : l’Afrique, l’Asie ou l’Amérique du Sud, pourquoi pas. Il y a tant à faire. 

A l’époque, la majorité c’était vingt et un ans mais dans le monde associatif j’ai eu un prêt de nom jusqu’à vingt et un ans parce qu’à seize ans j’étais déjà présidente d’une association qui marchait très bien. Une fois mariée ça a toujours été ça, je faisais venir les jeunes du village. J’ai eu une troupe de théâtre avec vingt-cinq jeunes et moins jeunes et beaucoup d’enfants à qui j’ai parfois appris à parler. J’ai eu, une ou deux fois, des enseignantes qui sont venues me voir en me disant : « la petite Amélie, elle a fait énormément de progrès. Elle est dyslexique et elle a une diction parfaite maintenant ». Après et encore maintenant, j’ai tracé tout droit. 

Quand je suis arrivée à Lignerolles, j’ai dit : « je ne peux pas rester devant la télévision si pauvre ! ». Ce n’était pas possible donc j’ai créé une chorale. 

L’étranger 

Mon pays, c’est la Terre, c’est le globe tout entier. Je suis bien partout et nulle part. Je n’ai pas de racines. On a déménagé de multiples fois. 

Dans le petit village Les Riceys dans l’Aube, le fin fond du terroir, autant qu’Aubepierre ou Lignerolles, se marier avec quelqu’un du village à côté, c’était passer à l’étranger. On restait là. On venait au monde dans cette région, on n’en bougeait pas. J’ai toujours pensé, d’ailleurs, que cette soif d’aller voir ailleurs venait justement de cette façon de voir les choses. Il faut ouvrir cet esprit. Il faut montrer le chemin. C’est vrai qu’on fabrique l’humanité. 


La blessure 

C’est la reconnaissance parce que j’ai été assistante de direction dans une grande entreprise. Un jour, j’ai reçu une gifle verbale, magistrale ! On m’a dit : « mais, madame, vous n’êtes diplômée. » J’étais assistante de direction bilingue. Il me semble que je faisais un travail où j’étais assimilée cadre mais je ne suis jamais passée cadre. Un jour quand j’ai osé demandé, on m’a dit : « mais madame – qu’est-ce que je demandais là ? – vous n’êtes pas diplômée ! » C’est d’une brutalité qu’on ne peut pas imaginer et ça fait très, très mal. Ça fait vraiment très mal. Vous éprouvez envers vous je dirais presque une espèce de dégoût. Vous vous dites mais je ne suis rien ! Je dirais que ce n’est pas gênant plus que ça, ça n’empêche pas de vivre. C’est surtout quand on vous le jette en pleine face ! 

La foi 

J’ai foi en l’Homme, j’ai foi en l’humain. Je suis intimement convaincue qu’il y a forcément quelque chose de bon à prendre chez chaque individu. On voit bien avec ce que l’Homme a été capable de créer jusqu’à maintenant – soit un peu plus de soixante-dix années de vie – tout ce qui a pu être inventé, créé, réalisé par l’Homme. Donc, tout n’est pas mauvais. Il me semble qu’il y a une vraie prise de conscience maintenant. Qu’est-ce qu’on va faire de cette Terre ? Comment on va la traiter ? Comment on va s’y prendre pour essayer de la protéger du mieux qu’on peut maintenant, ce qu’on a peut-être pas su faire assez dans les générations qui nous ont précédés et qui n’y ont peut-être pas attaché assez d’importance. 

Les bouddhistes, les fameux mantras disent que tout est lié. C’est peut-être vrai. En tous cas, on peut le croire. 
 

Le voyage 

J’adore Barcelone. Je suis éprise de Barcelone. Je suis vraiment amoureuse de Barcelone peut-être parce que … Gaudi. La première fois que je suis allée à Barcelone, je suis tombée amoureuse de Barcelone et des œuvres de Gaudi, de tout ce qu’on peut trouver encore de lui, cette Sagrada Familia que je désespérais de voir finir un jour et qui finalement se termine. J’étais allée la voir il y a deux ans. Là, elle presque terminée, comme quoi vous imaginez ce dont les Hommes sont capables de faire ? La Sagrada Familia … vous avez le souffle coupé. C’est montrer toute la puissance de l’être humain. Tout ce qu’il a, tout ce qu’il renferme, tout ce qu’il a en lui. 

L’amour 

Quand j’ai mis mon fils au monde – parce que j’ai eu un enfant, on a fils – j’ai compris ce qu’était la maternité. J’avais sa petite tête dans mon bras plié et je me souviens de ce regard que j’ai porté sur lui. Je lui ai dit : « tu ne pourras jamais prendre tout l’Amour que j’ai à donner ». C’était en 1976. Je me disais, tu ne pourras jamais tout prendre. 

L’amour de l’être humain, l’amour de l’Homme en tant qu’être humain pour ce qu’il est capable de faire. 

L’amour des enfants. 

L’amour de la nature bien évidemment quand on voit cette splendeur, toutes ces forêts, les lacs, tout ce dont la Terre regorge de merveilles. 
 

La beauté

Je pense que la beauté est indispensable. La beauté, ça évoque quoi ? Quand on a l’œil affûté à la beauté, on la repère tout de suite. Vous allez repérer tout de suite, un beau paysage, ça peut-être le livre, ça peut-être la beauté de l’amitié, justement. J’en reviens toujours à ce dont l’Homme est capable de faire. La beauté, c’est quelque chose de fabuleux. Je crois qu’on pourrait pas vivre sans. La beauté, ça pourrait être, pour une femme, la beauté de ses cheveux la beauté d’un visage, la beauté d’un regard, la beauté des fleurs, la beauté de l’eau qui coule, des quelques pierres qui vont former un pont et l’eau qui coule en-dessous. C’est magique ! La beauté, ça a vraiment quelque chose de magique et de confortable pour les yeux, pour l’esprit. Qu’est-ce qui peut plus apaiser une âme un peu déboussolée – on a parlé de souffrance tout à l’heure – sauf la beauté ? C’est une force qui vous aspire. Vous pouvez être dans le chagrin, dans le deuil et votre regard vous amène à considérer tout ce qui est autour de vous. La beauté a cette puissance-là. 

J’écoute une émission France Culture la nuit, parce que je suis assez insomniaque, je dors trois, quatre heures. Vous parliez poésie tout à l’heure, c’est vrai que j’y suis très sensible. Parfois, le souffle me manque, la respiration est coupée parce que je me dis : « c’est tellement beau ! » Comment pouvons-nous échapper à ça ?
 

La liberté 

La liberté … je crois que je suis une femme libre. La liberté, c’est pouvoir faire vraiment ce qu’on a envie de faire sans gêner personne. Il faut quand même se préoccuper - quelle que soit la décision que l’on prenne, les choix que l’on fasse – de ne pas faire de mal, de ne pas blesser, d’être dans le respect de l’autre. Mais, la liberté, c’est quand même de pouvoir faire, au moment où on en a envie, ce qu’on veut faire.

La liberté vestimentaire … je pleure dans mon âme et mon âme est souffrante en ce moment de ces dames iraniennes, de ces femmes en Afghanistan qui souffrent l’enfer, qui meurent. On mesure ce qu’est la liberté. Une vie, c’est tellement s’il y a pas de liberté. 

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