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Une certaine conception de l’accueil des visiteurs

 

Depuis plusieurs années la Maison Laurentine organise une manifestation estivale, en milieu rural (Sud Haut Marnais, situé sur "la diagonale du vide" ou encore au cœur du "désert vert"). Pendant 2 mois, une exposition et des "Instants magiques" sont proposés à la curiosité et au désir de découverte artistique des habitants de ce territoire ainsi qu’aux touristes de passage.

Pour la Maison Laurentine, la question de l'accueil du public, la façon dont on le reçoit, sont indissociables des raisons pour lesquelles nous organisons chaque année ces manifestations.

 

Le pourquoi subordonne le comment.

 

Année après année, nous recherchons à ouvrir des espaces de conversations et d'émotions partagées entre celles et ceux qu'il est coutume d'appeler les visiteurs et, les artistes au travers des œuvres exposées. Dès lors le visiteur devient central, singulier, unique.

Il ne s'agit pas de "faire de la médiation culturelle" au sens classique de passeur de culture entre celui qui sait et celui qui est ignorant, mais d'entrer en relation chaleureuse et confiante où chacun et chacune est en état de disponibilité et d'ouverture.

Notre engagement consiste avant tout à permettre l’énoncé, sous différentes formes, de points de vue différents voire divergents, de ménager des moments d’écoute et de

compréhension réciproque, de faire bouger les lignes par le partage d’expériences que celles-ci émanent d’artisans, de salariés du public et du privé, d’agriculteurs et d’artistes.

Ainsi pour celles et ceux qui franchissent le seuil de l’expo avec cette touchante et timide réflexion "je ne suis pas sûre que je vais tout comprendre ", quelques mots suffisent à rassurer et à décomplexer. Pierre (commissaire artistique, l’âme de la Maison Laurentine) le fait à merveille en ces termes :

"Lorsque nous sommes devant l'œuvre proposée par un artiste, nous pouvons nous poser quatre questions simples :

- est-ce que je comprends ce que l'artiste cherche à me dire?

- suis-je sensible à son propos?

- suis-je d'accord avec sa vision?

- et moi, quel est mon point de vue?

Ainsi peut naître une conversation silencieuse entre le visiteur et l'artiste au travers de l'œuvre." 

 

Quant à moi (sorte de cheville ouvrière associative), j'aime et j’attends ce moment où le visiteur franchit le portail du lieu d'exposition. Je l'attends comme un ami, déjà connu quand il s'agit des « Laurentins » qui viennent tous les ans, ou, nouveau curieux venu le plus souvent par le bouche à oreille. Je n'ai rien trouvé de mieux et de spontané que de lui sourire et de lui proposer quelques clés de lecture de ce qui l'attend dans ce lieu magique d'exposition. Lui donner les clefs d'une maison, animée d’un esprit « feng shui », pour qu'il la fasse sienne et l'habite de ses émotions, de ses attentes et de son besoin de se retrouver seul avec lui-même au contact d'un monde, d'un environnement qui lui sont inconnus.

Tenter d'être à la hauteur du privilège qu'il nous offre de prendre le temps de répondre à notre invitation.  Ces clefs ouvrent diverses portes. Celle de l'intention générale qui préside aux choix des artistes et des œuvres exposées ; celle de la scénographie proposée ; celle du sens de notre présence sur ce site de friche industrielle et de notre ancrage sur ce territoire perdu et en devenir. Parfois, il est également essentiel de préparer les chocs émotionnels, de pré-dire, de poser des mots sur les émotions à venir, au regard de celles qui ont été les miennes ou des fragilités que je peux pressentir chez l’Autre. Le partage commence à cet instant entre deux formes d'implication, de projection, de subjectivité, de questionnement personnel.

 

En quelques minutes, sans insistance, comme sur la pointe des pieds, l’essentiel est dit.

Chacun en fait son propre miel, chemine dans le dédale des œuvres, s'égare et se retrouve.

De retour vers la sortie, la plupart du temps, quelques mots ou quelques regards

s'échangent respectant l’émotion encore toute fraîche. Parfois une plus longue conversation s’instaure ou encore une nouvelle amitié se noue. Un remerciement s’exprime, auquel le nôtre répond car l’accueil est un moment de grâce, peut-être parce qu’accueillir et recevoir sont deux verbes qui induisent d’emblée la notion de réciprocité et d’échanges. J’accueille et je reçois l’autre en même temps qu’il m’accueille et me reçoit. Simple et vrai.

 

                    

 

Marie Solange Dubès

10/11/2017

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