top of page

Moira Clément 

L’enfance

Je pense qu’il y a eu des épisodes assez durs mais j’ai l’impression qu’il y a une facilité à voir et à oublier du coup, dans ce que je retiens, je dirais beaucoup de joie, de rires, d’innocence, de danses, de karaokés, de découvertes. 

J’étais vachement trimballée partout par mes parents et j’étais dans le monde des grands et c’était la fête et j’adorais ça. 

L’amour 

Je pense que c’est beaucoup de travail sur soi parce que on pense que quand on est à deux les choses vont aller. On va aller plus loin ensemble. On va faire plus de choses ensemble parce qu’on est ensemble. On est deux personnes et du coup on est plus fortes. Je ne crois pas que ce soit vrai et même je n’en suis pas sûre. Tant que nous on ne fait pas un travail sur qui on a envie d’être, qui on a envie de devenir, je ne pense pas que le fait juste d’être amoureux, d’être avec quelqu’un puisse tout changer. 
 

Le questionnement 

En fait, je me pose beaucoup de questions. Moi, dans ma vie, dans mon quotidien, ce que fais dans ma vie, des choses simples peuvent impacter le futur et comment changer ça ? Comment le faire de manière bienveillante avec moi-même pour ne pas non plus me reprocher trop de choses et être trop violente avec moi-même ? Comment trouver le bon axe pour changer des habitudes mais en étant juste ? 

 

L’engagement 

Il ne faut pas se trahir. Il ne faut pas aller à des endroits qui ne nous semblent pas justes. Je n’ai pas envie de trahir ça, ce travail, en m’engageant dans des projets artistiques qui ne me plaisent pas, qui ne correspondent pas à ce que je défends, à la personne que j’ai envie d’être. Je pense que ça c’est important. Si je m’engage dans un projet, je m’engage à fond donc il faut que ce projet soit important, qu’il change des choses ou pas mais que ça raconte une histoire. C’est une histoire qu’on va offrir au public et j’ai envie d’être persuadée et d’aimer profondément ce que je montre à un public. 
 

Le corps 

Il y a un projet sur lequel je travaille depuis deux ans qui est très corporel. C’est de la danse. Moi, je n’ai pas de texte. C’est de l’interprétation corporelle. C’est comment, à travers  et juste par le biais de mon corps, faire vivre une histoire et faire passer un message ? Je pense que ça me fait pas mal avancer, moi, en tant qu’humaine dans ma vie de tous les jours. 

La bienveillance

Je ne sais pas si le monde est vraiment devenu plus bienveillant. Je ne sais pas. J’espère mais je ne suis pas vraiment sûre. C’est plus moi, comment j’ai dirigé mon attention ? Vers où je l’ai dirigée ? à quelles paroles je donne de l’importance et à quelles paroles je n’en donne pas ?

Le métier 

Ça m’est venu quand j’ai essayé de faire autre chose comme je ne me retrouvais pas dans ce qu’on me proposait à l’école. Je continuais à côté à danser dans mon salon, à chanter, à faire de la musique. Après le bac, j’ai essayé la fac, qui a été un fiasco total. Je me suis dirigée vers des métiers derrière la scène. A un moment, je me suis dit : « mais, en fait pas du tout, c’est pas ça que tu as envie de faire. Tu n’as pas du tout envie d’être derrière la scène à regarder les autres jouer ». Ça a été vraiment un déclic un soir. Ça faisait deux ans que je galérais pendant lesquels j’ai fait vraiment tous les petits boulots possibles : j’ai gardé des ascenseurs, j’ai emballé des paquets cadeaux. Et, à un moment, j’ai tapé sur internet : école chant, danse, théâtre. Le premier lien sur lequel je suis tombée, il y avait des auditions et du coup j’y suis allée. Ça a été vraiment une révélation ces trois jours d’audition : en fait, c’est ça. 

Le rôle 

Je trouve que le théâtre et le cinéma peuvent nous emmener dans des rôles qui sont tellement à l’opposé de qui on est. Je trouve ça intéressant d’aller explorer aussi des personnages et des gens qui sont totalement à l’opposé de nous, de se mettre dans cette peau-là. On peut en tirer des choses pour nous. C’est cette liberté-là aussi que laisse le théâtre et qui est hyper intéressante, c’est qu’on peut interpréter même un objet, un animal, un lieu, un souvenir, une émotion, une odeur. Il y a un truc qui est tellement libre. 

La fiction 

Il m’est arrivé un truc assez surprenant l’autre jour. Je suis allée au théâtre voir une pièce de Tiago Rodrigues qui s’appelle Katharina. C’est une pièce qui dure deux heures et demie et qui parle d’une famille tueuse de fascistes au Portugal. C’est une pièce incroyable. Et, en fait, la fin de la pièce – je vous spoile un peu – c’est un discours fasciste pendant une demi-heure. La famille kidnappe un fasciste et à la fin de la pièce toute la famille meurt et c’est un discours fasciste de ce personnage là pendant une demi-heure. Le public commence à crier, à insulter le comédien. Des gens se levaient et voulaient monter scène frapper le comédien. Des gens hurlaient qu’on le tue. Certes, le théâtre c’est fait pour bousculer, on a le droit de ne pas être d’accord, on a le droit d’être énervé mais c’est du théâtre, c’est une fiction, c’est un comédien. Les gens hurlaient qu’on le tue, les gens partaient de la pièce alors que ce comédien ça fait deux heures qu’il est sur scène, qu’il ne parle pas et c’est son moment. Il y a déjà un non-respect du comédien et je me dis aussi les gens sont fous. Les gens ne savent plus mettre la distance. Je ne sais pas si ces gens-là vont aux manifs, vont hurler à l’endroit où il faut hurler, où la voix compte. Là, on est au théâtre. Enfin, laissez-le terminer. A la fin, oui, effectivement, on n’est pas d’accord avec ce qu’il raconte mais c’est ce que la pièce défend. C’est une pièce qui est fondamentalement contre le fascisme. 
 

La violence 

C’est la violence en fait qui me dérange. C’est la violence physique et verbale envers le comédien qui interprète ce texte. Ce n’est pas sa parole, c’est sa voix qu’il prête à un texte mais ça ne veut pas dire que ce sont ses convictions à lui. Si, aujourd’hui, on ne peut plus jouer des rôles comme ça, sans avoir peur de se faire frapper, je trouve ça grave en fait. Comme si, tout d’un coup, ces mots-là étaient les mots de l’humain derrière le comédien et du coup on ne veut pas entendre. Je ne sais pas. Il y a un peu ce truc-là : « je ne veux pas entendre, je ne veux pas entendre, je me barre, je ne suis pas d’accord », alors que ça dénonce dans tous les cas. Rester jusqu’au bout c’est aussi dénoncer, c’est aussi prendre part à cette œuvre. Pour moi, c’est important. Je reconnais qu’entendre des horreurs pendant une demi-heure c’est dur, c’était affreux. C’est un discours de haine, de division tels qu’on les connaît ces discours-là, mais rester jusqu’au bout, pour moi, c’est aussi résister, c’est aussi militer. 

La baguette magique

Changer quelqu’un s’il n’a pas envie d’être changé, c’est un autre débat. C'est plutôt ouvrir les yeux aux gens afin qu’ils puissent se rendre compte par eux-mêmes. Il y a une urgence, c’est sûr, donc évidemment, la baguette magique, un truc instantané … mais je trouverais ça dommage parce qu’il manque aussi tout le travail de se rendre compte et de changer d’avis. Je trouve que par ce chemin-là, on apprend beaucoup de choses donc se couper de cette recherche-là je ne sais pas si ce serait bon pour tout le monde. 

La joie 

Quand je danse. Quand je suis avec mes amis et que je danse toute la nuit, il y a un truc, c’est inexplicable … je suis heureuse. Danser sans s’arrêter, ne pas voir les heures passer, être dans une espèce de transe, c’est des moments que j’affectionne beaucoup. 

La chute 

J’ai sauté en parachute il y a un an et demi. Ça a été un truc hyper euphorique de l’avoir fait mais je ne sais pas ce qui m’a pris d’avoir fait une chose pareille, vraiment ! Il fallait que je le fasse, je l’ai fait, plus jamais ! Plus jamais parce que j’ai cru mourir. C’est tellement fou comme sensation de se jeter dans un vide aussi vide que c’est la chute. 

Je suis phobique de l’avion, on est dans un espèce de petit coucou en papier aluminium. J’étais hyper sûre de moi comme si c’était ce qu’il fallait que je fasse. On ouvre la porte, on va y aller, on va de sauter. Les jambes dans le vie et … le grand saut. Je n’ai jamais ressenti un truc pareil, ce genre de sensation c’est pas descriptible. Tu es aspirée dans une espèce de vide, une espèce de vortex. C’est assez hallucinogène vraiment. Ça, c’est les cinq premières secondes. Après, quand on se stabilise et qu’on ouvre les bras, on vole, c’est assez fou. Mais, plus jamais ! 

moira.png
bottom of page