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Sophie Canivet 

Le couvent 

J’ai travaillé au couvent de Saint Loup-sur-Aujon à l’âge de 15-16 ans. Je me suis occupée des bonnes sœurs qui restaient. Il n’y en avait plus beaucoup. Il y en avait quatre dont on s’occupait vraiment. Il y en a certaines qui étaient alitées. 

Je n’avais jamais fait ça de ma vie. À la base, la mère supérieure m’avait demandé si ça m’intéressait de faire du ménage. Moi, j’ai dit oui, ça peut faire quelques sous. Et, quand je me suis retrouvée avec celle qui m’a appris, on va dire à m’occuper des bonnes sœurs, je me suis rendue compte que c’était vraiment pour les accompagner, les laver leur donner à manger etc. Sans formation, sans rien du tout. J’en garde un bon souvenir. Ce n’était pas évident au début. Je vous avoue que, quand on a 15 ans … Quand je suis rentrée, j’ai dit à ma mère : « je ne suis pas sûre de continuer, c’est quand même … ». C’était spécial. Sans formation, sans rien. Mais, j’ai eu une bonne formatrice qui m’a montré des technique et puis, ça ne me déplaisait pas de m’occuper d’elles. On s’y attache aussi. Je suis restée quelques années. Elles étaient attachantes. C’est vrai qu’on s’occupait d’elles tous les jours. Elles nous racontaient un petit peu leurs histoires, leur vie. Des fois, elles râlaient aussi. C’est vrai que c’est compliqué, elles retournent un peu en enfance. 

Il y en avait deux que j’ai pas vraiment connues parce qu’elles étaient vraiment alitées. Elles ne se rendaient pas compte de ce qui se passait autour d’elles. Quand je suis arrivée, j’ai quand même hésité à rester parce que c’était dur de les voir alitées comme ça, sans bouger, presque sans vie finalement. 

Le métier 

Quand on nous demande ce qu’on veut faire quand on est tout jeune, c’est pas évident. Il y en a pour qui c’est facile. Ils savent, dès l’enfance ou dès l’adolescence, ce qu’ils veulent en faire mais c’est vrai que c’est pas évident. Quand je suis allée à la fac, au tout début, je ne savais pas trop ce que je voulais faire. Je voulais presque être instit. Je ne sais pas pourquoi parce que je ne suis pas du tout pédagogue. C’est pas du tout mon truc. 

Toujours des métiers de la route. J’ai fait vendeuse en boulangerie mais en camion, et après en fruits et légumes, pareil, en camion. Toujours sur la route. 

Après, j’ai rencontré des gens qui m’ont aidée, on va dire, à rentrer à La Poste. Ils m’ont un peu appuyée parce qu’il y a beaucoup de candidatures. Je me suis rendue compte que c’était tout ce que j’aime en fait : être sur la route ; être toute seule ; être autonome ; pas de chef derrière le dos, c’est bien aussi ; la relation avec les gens, surtout dans les campagnes parce qu’après j’ai été factrice en ville, c’est complètement différent. Ça n’a rien à voir avec les relations qu’on a ici sur les tournées. En ville, je n’avais pas de relation du tout avec les clients mis à part « bonjour » quand on emmène un colis ou un recommandé. « Bonjour, au revoir ». C’est pas du tout la même chose qu’ici quand je croise les gens. Tout le monde sait comment je m’appelle déjà. Les gens, ils m’appellent par mon prénom. C’est plaisant, c’est agréable. Les gens que je connais parfois vont avoir marqué : « bisous la factrice ». C’est rigolo, c’est sympa. Ça fait plaisir. 

L’avenir 

Par rapport à mon boulot, je le vois pas trop, trop bien parce que c’est un peu compliqué à La Poste, les réorganisations etc. Il va y en avoir une là au mois de mars et c’est pas en bien. On va s’adapter, on n’a pas le choix. En dix ans, ça ne fait pas longtemps mais ça a beaucoup changé, pas en bien. On est de plus en plus chronométrés. Ils chargent de plus en plus les tournées. Ça devient un petit peu compliqué d’avoir une relations avec les clients. On a moins de temps à leur consacrer, c’est dommage. 

Il y a une diminution du courrier quand même assez flagrante surtout depuis la crise Covid. La diminution qu’ils annonçaient en 2025, elle est déjà là à l’heure actuelle. Après, au niveau du courrier il n’y a pas trop de différences : toujours beaucoup d’impôts. On dit que les gens n’écrivent plus mais on distribue encore beaucoup de cartes. 

Le monde 

Moi, j’essaye de ne pas y penser, même tout ce qui est crise climatique. On voyage, on prend l’avion, on prend nos voitures. On contribue aussi un peu à tout ça. C’est difficile maintenant de revenir en arrière. Le reste : les épidémies … je n’y pense pas. J’essaye de vivre au jour le jour. 

Là, les gens vont mieux quand même. Pendant le Covid, c’était pas ça. On ne voyait pas les gens, on n’allait le moins possible au contact des gens. On n’avait plus le droit de rentrer chez eux ni rien. C’était moins bien on va dire. 

La joie 

Il y en a. Mon mariage déjà. Ça a duré à peu près trois jours, on est des fêtards. La naissance de mes neveux, de mes nièces, les journées en famille, ça fait partie des bonnes journées où on se couche le soir et on se dit qu’on a passé une bonne journée. Ça fait du bien. 

On est trois sœurs et on est toutes les trois dans le coin. On se voit souvent. On est très proches. 

L’amour 

Je suppose que ça existe les coups de foudre mais je pense que c’est plus la vie, les moments passés ensemble qui font qu’on se rend compte que c’est la bonne personne. 

Le voyage 

On n’avait jamais voyagé, mise à part en France, avant ça. On a démarré par un gros voyage. On part demain en Tunisie. On ne prépare rien du tout, on ne programme pas, on prend la voiture et puis voilà. 

L’ouverture 

On se rend bien compte de la misère parfois de certains pays par rapport à chez nous. On se rend compte des différentes cultures. 

On est un pays où on a quand même des avantages sociaux mais, quand on va dans d’autres pays, on a l’impression qu’ils ont la vie tellement plus belle, plus facile, plus cool et du coup on ne sait plus trop. 

La marche 

Quand je vais faire une marche, je pars pour faire dix kilomètres. Avec Alexandre, ce qu’on aime bien aussi, quand on part dans des pays ailleurs ou bien en France, c’est faire des randonnées. C’est parmi mes moments préférés : marcher, partir marcher toute seule. Je ne suis pas contre faire des marches avec d’autres personnes aussi mais c’est vrai que la plupart du temps je suis toute seule. 

On pense un peu à tout ce qu’il se passe, on se repasse la journée des fois dans la tête, on pense au lendemain. On pense. 

Le rêve 

Pour l’instant, je suis bien. Mon métier me convient, pour l’instant. Les regrets, de toutes façons, ça ne sert à rien, il faut avancer. J’ai plutôt des envies. L’envie, le rêve de voyager, de faire le tour du monde. On aimerait bien mais on dit toujours « quand on sera à la retraite de toute façon ce sera le but d’aller vadrouiller, sillonner les routes de différents pays. Oser partir. »

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