arts, habitants, natures, territoires
Gilbert Marcel
Les prophéties
Gilbert Marcel
Les prophéties
Pei-Lin Cheng
Mon projet artistique actuel s’est organisé autour de la création d’une ambiance, d’une vision réelle et irréelle, vision qui synthétise un même temps. Cette perception diffuse les images prises, lors de différents voyages, les images sont fragmentés et remixées, puis d’autres sont crées par des compositions faites de mixage de tissus, fils et différentes matières.
Le point de départ de ce projet prend sa source en 2007 à l’occasion de l’exposition collective « Gare aux arts » organisée par l’Orcca de la région Champagne-Ardenne, pour laquelle j’ai réalisé ma première valise en l’habillant de la toile de Jouy Français et de tissu traditionnel Taïwanais. Celle-ci a été présentée à la gare de Troyes, comme intégrée à cet environnement de voyageurs à destinations inconnues.
C’est au moment de l’exposition personnelle « AXX°NN » au centre d’art CAMAC en 2010, que la série « mes valises » a pris une forme plus évoluée, avec la naissance d’un réseau de racines en toile de Jouy développé à la base des valises qui apparaît. La représentation des racines symbolise l’émergence des questions sur l’« identité » qui s’étendent progressivement dans mon travail.
La quête de l’identité se concrétise en 2014 lors de la préparation pour l’exposition à l’Hôtel de ville de Reims. Double vie entre Taiwan et la France, par la délivrance de ma nouvelle carte identité, ma nouvelle nationalité, ma nouvelle naissance, ma nouvelle vie…fière d’être française et taïwanaise à la fois, qui me trouble parfois.
Dans la poursuite de mes recherches, ce mixage textile (la toile de Jouy Français et de tissu traditionnel Taïwanais) adapte des motifs floraux communs aux deux tissus, en intégrants les décors, les scènes amoureuses et les paysages de l’un dans les surfaces colorées et vives de l’autre, ils entraînent une fusion de deux caractères culturels distincts géographiquement, historiquement et culturellement. Une simple proposition formelle est née la série « 99 » en 2016 comme processus vital de l’identité.
Le code 99 est un numéro que l’état français attribue à une personne qui est née à l’étranger, c’est souvent dans le champ « département de naissance » d’un numéro de sécurité sociale et dans tous les autres documents administratifs que le 99 est à inscrire dans le lieu de naissance. Le chiffre 9 représente la longévité en chinois 99 représente l’éternité.
Ces acceptions sont reprises dans cette œuvre globale qui se centre sur l’évolution de l’identité d’un être ou d’un lieu (ville, pays) au fil du temps sans fin.
« couper, coller ; construire, déconstruire ; assembler, séparer ;déchirer coudre ; décomposer, composer ; structurer déstructurer ; former, déformer … »
Toujours partir d’un fragment, soit de journal, d’un tissu, d’une photographie, d’une couleur, d’anciennes œuvres et puis avec le fil, faire des liens, réparer ce qui est cassé, tisser, découdre, coudre,…cela nous amène aussi à une réflexion sur l’attachement, l’enchaînement, la jonction…
Les premières œuvres de la série reste sages, voir bucoliques, assez figuratives. elles appuient sur la différence de culture avec l’utilisation des tissus traditionnel Taïwanais et Français. Apparait à travers ces œuvres la question du voyage ou de l’expatriation, de la différence des cultures, tout cela abordé sur un ton concret. On se positionne sur les premiers questionnements liés à l’évolution de l’identité, qui décompose la structure même de la fibre de ces tissus pour retisser une nouvelle surface.
Ce textile inédit, fusionnant parfaitement mes deux origines, éveille le souvenir de l’oeuvre développée par Giuseppe Castiglione (1688-1766), peintre italien à la cour de l’empereur de Chine Qianlong (1736-1797), qui a su adopter les techniques de la peinture chinoise tout en maintenant un équilibre avec sa pratique héritée de l’occident. Il n’a pas hésité a expérimenter des hybridations techniques pour produire des œuvres inattendues et revendiquées par l’histoire de la peinture chinoise.
« sortir du cadre est une nécessité »
Puis une autre étape apparaît, on sort du cadre, fini le cadre rectangulaire, fini les angles droits, il faut aller de l’avant, ne pas rester enfermé dans ses certitudes, rien n’est figé, tout évolue…c’est la rechercher de la liberté.
Les formes carrées disparaissent, apparaissent des territoires, cela est renforcé par l’utilisation des cartes. Des accumulations, du reliefs, des montagnes surgissent, rouges sang, représentent-elles des cicatrices enfouies au fond de notre être?
« La carte n’est pas le territoire », cette phrase d‘Alfred KORZYBSKI explique sur le ton de la métaphore, que chaque individu se construit sa propre vision du monde, c’est à dire que chaque personne se fait sa propre idée d’un lieu, d’une personne, d’un film, ou de tout autres expériences au travers de ses expériences vécues et de son éducation, qu’elle soit familiale, amicale, amoureuse ou professionnelle. Ce vécu va lui forger sa propre représentation du monde. Cela implique qu’il n’existe pas de carte unique du monde, mais autant de cartes, qu’il y a de personnes.